Près d’un siècle et demi après sa naissance, l’Orchestre Lamoureux a écrit une nouvelle page de son histoire, avec la création de la Chambre Lamoureux lors d’un concert 100% Mozart, le 16 décembre 2018. 

Ce nouvel orchestre de chambre, dirigé du violon par Hugues Borsarello est le reflet de l’aboutissement musical de l’Orchestre et l’expression d’une volonté des musiciens, celle de se dévoiler au public dans toute leur authenticité. 

Nous avons profité du concert pour poser quelques questions à notre violon solo :

Ce soir a lieu le concert historique de création d’une nouvelle formation, la Chambre Lamoureux, pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet ?

Ce projet part d’un souhait des musiciens de l’Orchestre. Jouer au sein d’un orchestre de chambre suppose une posture, une implication différente, avec une responsabilité personnelle plus importante. Il s’agit de jouer en parfaite symbiose, davantage avec les oreilles qu’avec les yeux. C’est un exercice qui nous fait sortir de notre zone de confort et qui donne à chacun un rôle prégnant dans l’interprétation des œuvres.

Crédit photographie : Christophe Raynaud de Lage

Fidèle à la tradition de l’Orchestre d’évoluer avec son temps, nous jouerons comme d’habitude sur des instruments modernes en La 440 Hz. Le travail sur le style sera au cœur des objectifs de la Chambre Lamoureux.

Vous avez choisi Mozart pour votre tout premier programme, pouvez-vous nous parler de ce choix de compositeur ?

Nous avons choisi Mozart pour son œuvre ainsi que la période qu’il incarne. La période classique offre un répertoire idéal pour la création d’un orchestre de chambre, elle est synonyme d’un retour à la base de la musique symphonique et à une simplicité ultime. Mozart, dans l’imaginaire collectif, est un génie de la musique, à la précocité et facilité d’écriture déconcertantes. Jouer sa musique demande une très grande exigence. Elle est très simple de premier abord mais doit être pure dans l’interprétation, il n’y a pas d’approximation possible. Tout artefact technique doit être effacé au profit du discours, de la phrase musicale. C’est le résultat d’un travail collectif passionnant !

Qu’est-ce qui fait la particularité de ce programme ?

C’est un programme « mono-compositeur », et quel compositeur ! Un des plus géniaux de tous les temps ! Mon travail de construction du programme m’a amené à associer des formes différentes : un divertimento avec seulement des cordes, un concerto et une symphonie. Les trois œuvres ont toutes été composées dans un intervalle de trois ans (entre 1772 et 1775) à Salzbourg alors que Mozart était au service de l’archevêque Colloredo. Ce personnage autoritaire a tenté de museler le compositeur. Paradoxalement, cette période de contrainte personnelle a impulsé une belle créativité à Mozart et une composition fructueuse. Cette expérience a également motivé son désir d’indépendance avec la suite que l’on connaît : les années à Vienne, avec la composition, entre autres, des Noces de Figaro, de Don Giovanni…

Est-ce que votre expérience de violon solo vous apporte une vision particulière de la direction de ces œuvres ?

Oui, cela élargit le champ des possibles ! La différence tient dans le rapport aux idées artistiques et aux indications. Lorsqu’un chef d’orchestre est présent, le violon solo aide à la transmission d’idées. Sans chef, le violon solo impulse ses propres idées et fait entendre au public la musique telle qu’il l’imagine. Pour ma part, j’entends toute la musique de Mozart comme un opéra, même ses œuvres symphoniques ! On assiste à un défilé de personnages hauts en couleurs qui ont chacun leurs émotions : on passe de la joie à la gaieté en une mesure et demie ! Mozart c’est l’opéra et c’est donc la voix : quand on le joue avec un instrument, on doit avant tout penser à mettre en valeur la phrase et le discours, à la manière d’un chanteur.

Vous « jouez-dirigez » des pièces depuis le pupitre de premier violon, cela modifie-t-il votre jeu ? Quelle est votre définition de votre rôle dans ce programme sans chef ?

Mon rôle est d’impulser les grandes directions musicales, l’interprétation, le style. Oui, cela modifie mon jeu car je deviens le seul repère visuel pour les musiciens. D’un point de vue purement technique, il faut faire partir les musiciens ensemble, marquer les ralentissements, les nuances, les élans musicaux, bref faire vivre la musique ! Mais ceci est finalement le moins difficile, c’est de la mécanique. Partir de la partition et communiquer sa façon de la lire est le point central de mon rôle. C’est en quelque sorte le rôle d’un metteur en scène de théâtre, qui jouerait aussi un personnage de la pièce.

Quel répertoire allez-vous explorer à l’avenir avec cette nouvelle formation ?

Nous souhaitons nous concentrer sur le répertoire classique et début-romantique. Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert seront la base de notre répertoire, mais il est prévu de faire quelques incartades dans toutes les époques. Ce travail en profondeur va nous permettre de reprendre une production discographique « made in Lamoureux ». Nous sommes tous très impatients de mettre en œuvre ce nouveau projet !

Que souhaitez-vous transmettre au public pendant ce concert ?

Une grande liberté de jeu, le plaisir de jouer ensemble, mais surtout mettre en valeur et donner vie à ce répertoire magique. Nous sommes le maillon entre l’imagination de Mozart et les oreilles de notre public !

Visuel concert AMADEUS

[ Dimanche 16 décembre 2018 ▪︎ 17h ▪︎ Salle Gaveau ]